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Covid, droit du travail et données de santé des salariés - Entretien avec Mélanie Erber et Laurent Guardelli dans le Journal Spécial des Sociétés

Après le premier confinement et la reprise progressive de l’activité, les salariés sont retournés peu à peu au travail en présentiel. Depuis quelques semaines, nous sommes confrontés à une seconde vague de la Covid-19, et les entreprises sont devenues de potentiels clusters. Le deuxième confinement, mis en place le 30 octobre, permet à ceux qui le peuvent de travailler à distance, mais pour les actifs qui ne le peuvent pas, des précautions sont à prendre pour limiter la propagation du virus. Toutefois, l’employeur se doit de respecter certaines règles, notamment en ce qui concernent la collecte et la confidentialité des données de santé. On fait le point avec Maîtres Mélanie Erber et Laurent Guardelli, associés au cabinet Coblence avocats.

Pouvez-vous nous dire en quoi la crise sanitaire de la Covid a modifié le droit du travail ?

Les praticiens du droit du travail se sont adaptés à un environnement aussi nouveau que changeant.

Nouveau, car, reconnaissons-le, l’activité partielle (AP, également connue sous le nom de « chômage partiel ») était loin d’être le quotidien des pratiques des uns et des autres (et ce compris l’administration du travail elle-même...) alors qu’il a fallu, du jour au lendemain, en devenir de fins connaisseurs.

En effet, la boîte à outils proposée par l’exécutif (et non le pouvoir législatif dont les procédures propres étaient inadaptées à l’urgence de la situation) a immédiatement mis cette mesure à l’ordre du jour, dans des conditions de confusion initiales d’ailleurs préjudiciables aux entreprises, soumises pendant les premiers temps du confinement à un message très encourageant du gouvernement vers les demandes d’AP, alors même que les retours de l’administration étaient plus réservés, de nombreuses DIRECCTE refusant des demandes sans motif précis, le tout pour que l’on s’aperçoive qu’en réalité, ces demandes étaient examinées à l’aune de critères dont la loi ne faisait pas mention.

Ainsi, par exemple, on s’est aperçus, alors même que l’AP doit être une mesure par essence temporaire, que l’administration refusait les demandes dont la durée était jugée trop courte pour privilégier celles s’étendant au moins jusqu’au 30?juin, c’est-à-dire courant pendant au moins trois mois (compte tenu de demandes effectuées dans la deuxième quinzaine de mars). Plus disertes que d’autres, certaines DIRECCTE devaient finalement expliquer qu’elles ne souhaitaient pas avoir à traiter trop de demandes de renouvellement dans cette période compliquée et qu’elles souhaitaient donc que les entreprises fassent une première demande de longue durée, quitte à ce que les salariés reprennent le travail avant le terme, établissant l’aspect « droit de tirage » de l’AP.

Changeant car, sur l’AP comme sur les autres sujets qui intéressent le droit du travail de l’entreprise, chaque jour a réservé, particulièrement pendant la période de confinement, son lot de textes et de projets de textes qui avaient pour objectifs d’adapter le droit à l’éloignement induit par l’isolement de chacun et de la nécessité absolue de permettre la poursuite de la vie de l’entreprise dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Retenons, parmi tant d’autres, la faculté d’informer et de consulter le comité social et économique sur la demande d’AP seulement après cette demande (alors même que « la décision du chef est précédée de la consultation du comité... »), mais de surcroît, dans un délai de trente jours. Dans la même veine, la faculté ménagée au chef d’entreprise d’imposer, sur la base toutefois d’un accord collectif, la prise de jours de congés payés ou, unilatéralement, celle de jours de réduction du temps de travail. Notons à cet égard que la possibilité de l’imposer aux salariés protégés était également une révolution dans notre droit, dans lequel rien ou si peu ne peut influer sur la situation d’un salarié protégé sans que l’administration du travail n’ait à intervenir.

Souvent balbutiant dans les entreprises, car largement méconnu, le recours à la visio-conférence pour la tenue des réunions des institutions représentatives du personnel ou celle des entretiens préalables au licenciement a également connu un spectaculaire développement, car autorisé par les nouveaux textes dans des conditions bien plus souples que jadis.

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